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Le traître accord passé au crible de la CGT

Ce que cache vraiment cet accord « Sécurisation de l’emploi », point par point.

 Flexicurité

Cet accord s’inscrirait soi-disant dans la logique de la Flexicurité à la Danoise (encouragée par la commission européenne en lieu et place d’une politique de relance).

Le principe de la Flexicurité c’est un droit du travail plus souple (licenciement facilité) contre une « sécurisation » plus grande des salariés (meilleure allocations chômage et meilleure formation).

En réalité la flexicurité induit une déresponsabilisation des entreprises car l’argent public est la principale source de financement. Ce « modèle » coûte très cher : en 2009, avec 6% de chômage, le Danemark a dépensé 3,2% de son PIB pour indemniser, former et encadrer ses demandeurs d’emploi. La même année la France, avec 9,5% de chômage n’a dépensé que 2,4 % de son PIB.

Attention : ce n’est pas du tout ce que propose le MEDEF, puisqu’il ne veut pas dépenser un seul euro supplémentaire. L’accord spécifie d’ailleurs que toutes les mesures doivent se faire à coût constant !

De plus, c’est un modèle en panne. Tout d’abord ses résultats sont contestables et le taux d’emploi recule au Danemark depuis 4 ans !

Notre objectif est de garder les salariés en emploi plutôt que de gérer les périodes d’inemploi. La CGT poursuit un objectif diamétralement opposé à la logique de la flexisécurité : le Nouveau Statut du Travail Salarié et la Sécurité Sociale Professionnelle.

CET ANI, ce n’est même pas de la flexicurité, c’est beaucoup de flexibilité et des sécurités en trompe l’œil !

 Licenciement économique collectif

Article 20 - Concerne les licenciements collectifs pour motif économique dans les entreprises de 50 salariés et plus.

La procédure de licenciement collectif pour motif économique et le contenu du PSE seront désormais fixés :

  • soit par accord collectif majoritaire (syndicats ayant obtenus au moins 50% des suffrages).
  • soit par un document unilatéral produit par l’employeur soumis à l’avis du comité d’entreprise puis homologué par la Direccte (administration du travail).

Le droit existant actuellement sur la question dans le code du travail n’existerait donc plus.

L’accord collectif majoritaire serait semblable aux actuels accords de méthode. La différence étant qu’auparavant, à défaut d’accord de méthode, c’était la loi (le code du travail) qui s’appliquait. Désormais, à défaut d’accord collectif, c’est un document unilatéral de l’employeur qui s’appliquera.

D’autre part, on ne sait pas exactement jusqu’à quel point l’accord ou le document unilatéral pourra revenir sur ce qui existe actuellement dans la loi (pourrait-on revenir sur la définition du motif économique ??).

Ce qui est certain, c’est que l’accord collectif, ainsi que le document unilatéral, pourront fixer les règles concernant l’information des Institutions Représentatives du Personnel, les délais d’expertises, les délais de procédure. Ils pourront certainement revenir sur l’obligation pour le Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE) de contenir un plan de reclassement.

 Objectif / Effet

L’objectif est d’aboutir à une moins bonne information des salariés.

Cela créera également une déconnexion entre le contenu du PSE (négocié avec les syndicats) et l’information/consultation du CE sur le motif économique, or les deux volets vont ensemble.

La négociation collective sur le volet social prendra certainement le pas sur l’information/consultation sur le motif économique et deviendra alors centrale alors qu’elle ne devrait pas l’être.

Empêcher les salariés de se mobiliser par une réduction des délais de procédure : par accord collectif il n’existera pas de seuil minimum pour les délais d’information/consultation. Syndicats et patrons pourront se mettre d’accord pour fixer une procédure à quelques semaines. Si la procédure est fixée par un document unilatéral, l’ANI prévoit des délais en dessous desquels l’employeur ne peut pas descendre, mais ils sont extrêmement courts : en 2 mois l’employeur pourra finir sa procédure et licencier jusqu’à 99 salariés, en 4 mois il pourra en licencier 1500…

Ces délais sont des délais « préfix », c’est à dire que l’on ne peut en aucun cas prolonger. On ne pourra donc plus suspendre ou interrompre la procédure d’information/consultation ni la procédure de mise en œuvre du PSE.

Exemple : si l’employeur fournit au CE une information incomplète et que le CE décide de saisir les tribunaux pour faire ordonner la remise d’informations complètes, les délais de déroulement de la procédure ne pouvant être interrompus, les salariés seront licenciés et l’employeur ne sera pas tenu de reprendre la procédure.

De la même manière : si des droits fondamentaux sont violés par l’accord collectif, aujourd’hui il est possible de saisir le juge à tout moment pour faire suspendre la procédure illicite avant que les salariés ne soient licenciés. Désormais cela ne sera plus possible.

 ??vitement du recours au juge : la validation par les syndicats du PSE, ou son homologation, empêchera le salarié de contester le contenu insuffisant du PSE. De plus le délai de contestation de l’accord collectif est très court : 3 mois.

Mais c’est aussi le motif économique qui est visé derrière : les juges seront certainement influencés par le fait que le syndicat aura signé un accord sur le PSE. Ils considèreront peut-être que le syndicat n’aurait pas signé l’accord si le motif économique n’était pas valable.

Quant à l’homologation : La Direccte n’a pas les moyens d’opérer une quelconque enquête-vérification, d’autant plus qu’elle n’a que 21 jours pour homologuer, et que son absence de réponse vaut homologation.

Enfin, le contentieux pour contester l’homologation passe devant le juge administratif qui jusqu’ici a très peu tranché en matière de licenciement économique et est donc très peu au fait des problématiques en la matière. De plus, la procédure est très lourde et longue.

Point sur le reclassement :
On pourra désormais commencer la procédure de reclassement avant même que la procédure d’information-consultation ne soit finie. Donc les salariés doivent (ou non) accepter un reclassement avant même de savoir s’ils font vraiment partie de la liste des salariés visés par les licenciements, et avant même de savoir ce que prévoit le PSE.

 Maintien dans l'emploi

Article 18 – Accords de maintien dans l’emploi

Il s’agit des mêmes accords compétitivité emploi que Nicolas Sarkozy avait souhaité mettre en place. Une entreprise va pouvoir, pour passer une période difficile et augmenter la productivité, augmenter le temps de travail et/ou baisser les salaires en concluant des accords d’entreprise.

Les représentants des salariés pourront étudier la situation de l’entreprise en se basant sur les éléments fournis aux institutions représentatives du personnel dans le cadre d’une nouvelle base unique d’information, et en recourant, s’ils le souhaitent, à un expert-comptable. Nous verrons dans une prochaine diapo (la diapo 8) ce qu’est la nouvelle base unique.

L’ANI cadre très peu ces futurs accords puisqu’il n’est prévu que le respect de l’ordre public social (SMIC, durées légales, repos quotidien …) et le respect des accords de branches qui ne prévoient pas de dérogations. Il est aberrant de constater que l’ANI se charge de définir quelles sont les règles relevant de l’ordre public social. Or, ce dernier a une définition propre et il n’appartient pas aux syndicats et patronat d’en déterminer les contours.
Il devra être prévu un engagement de maintien dans l’emploi d’une durée au moins égale à la durée de l’accord. La durée de l’accord ne peut excéder deux ans.

Il est bon de noter que jusqu’à présent la jurisprudence ne sanctionne pas les manquements de l’employeur à ses engagements de maintien de l’emploi dans des accords collectifs, tout simplement parce que ces engagements n’ont pas de contenu vérifiable (l’employeur prétendra que les salariés partis en rupture conventionnelle ne sont pas de son fait, de même que le non remplacement des personnels qui quittent l’entreprise…).

Prévu dans l’annexe à l’ANI :

Il n’est pas prévu la diminution équivalente de la rémunération des actionnaires : l’accord ne prévoit en la matière qu’une « certaine symétrie de forme »

En cas de refus de se voir appliquer l’accord collectif, le salarié va être licencié pour motif économique. Il ne pourra pas contester la réalité du motif économique. Surtout, même si de nombreux salariés refusent l’application de cet accord, l’entreprise n’aura aucune obligation liée à un licenciement collectif, en particulier pas d’obligation de faire un plan de sauvegarde de l’emploi !

Il est évident que ces accords vont être l’occasion de chantage à l’emploi. L’accord collectif obtenu par chantage va faire peser sur les représentants du personnel la responsabilité de la baisse de salaire et de l’augmentation du temps de travail.

 Mobilité interne

Article 15 – Plans de mobilité interne

C’est une nouvelle obligation de négociation triennale : cela signifie que cette négociation organisera à l’avance les possibilités de mobilités qui pourront être utilisées par la suite si l’entreprise veut restructurer.

L’accord devra prévoir les mesures d’accompagnement et les limites imposées à cette mobilité. L’ANI ne prévoit qu’une restriction : pas de diminution du niveau de salaire ou de la classification du salarié. En dehors de cela, tout est permis : si le(s) syndicat(s) signataire(s) de l’accord de mobilité l’accepte(nt), un salarié pourra être muté à 500 km et il devra l’accepter ou être licencié.

Ce licenciement sera pour motif personnel. Pas de licenciement économique même si la raison de la mobilité est d’ordre économique (par exemple : fermeture d’un magasin). Il suffit qu’il n’y ait pas de suppression de poste, mais une réorganisation et le salarié pourra être promené d’un poste à l’autre, d’un établissement à un autre.

En faisant dépendre les règles de mobilité d’un accord d’entreprise, on augmente les inégalités entre salariés : il y aura ceux dont les délégués n’ont pas signé d’accord qui seront mieux protégés que les salariés où un mauvais accord aura été signé.

 CDII

Article 22 – Le CDII

Le CDII ou Contrat à Durée Indéterminée Intermittent est, de fait, une sorte de contrat à temps partiel annualisé : le salarié va alterner des périodes travaillées et non travaillées, et sa rémunération sera lissée sur l’année.

Deux inconvénients majeurs par rapport à un CDD : pas de prime de précarité et pas d’indemnisation chômage pour les périodes non travaillées.

Le patronat des petites entreprises le réclamait pour toutes les entreprises de moins de 50 salariés, l’accord ne prévoit qu’une expérimentation dans trois branches (organismes de formation, commerce des articles de sport et équipements de loisirs, chocolatiers)

Aujourd’hui, ce type de contrat existe, lorsqu’il est autorisé par un accord de branche qui pose des limites. Dans le champ de l’expérimentation, ces limites n’existeront pas et l’idée du patronat demeure de le généraliser au terme de l’expérimentation.

 IRP

Article 12 : Information et consultation anticipée des IRP

L’accord du 11 janvier 2013 contient un certain nombre de dispositions relatives à l’information des représentants du personnel. Celles-ci sont présentées comme étant de nature à renforcer l’information des salariés sur les perspectives et les choix stratégiques de l’entreprise pour renforcer la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.

Mais si l’accès à l’information est en apparence amélioré, il est loin de permettre à l’ensemble des IRP d’y voir plus clair. Le patronat obtient en contrepartie un renforcement de l’obligation de discrétion des élus et mandatés et l’enfermement des expertises dans des délais préfix sans dérogations possibles.

I) Ambiguïté autour du droit à l’information et consultation du CE mise en péril

  • Aujourd’hui :

La loi énumère une série de documents que le chef d’entreprise doit communiquer au comité d’entreprise périodiquement ou ponctuellement. Elle impose aussi à l’employeur l’élaboration de rapports spécifiques pour le comité, en particulier un rapport annuel d’ensemble sur la situation de l’entreprise.

Les informations et rapports que doit fournir l’employeur au comité d’entreprise ainsi que les informations qui accompagnent obligatoirement les consultations du comité, signifient que jusqu’à présent le législateur a voulu privilégier l’information du comité avec l’idée qu’une information complète facilite les consultations dans de bonnes conditions.

Chaque année le comité d’entreprise peut recourir à un expert-comptable payé par l’entreprise pour l’examen des comptes de l’entreprise (art L.2325-35 du Code du travail).

  • Demain :

Une base de données unique remplace l’ensemble des informations, économiques et sociales données de façon récurrente aux IRP, sous forme de rapports ou autres. Cette base serait mise à jour régulièrement et contiendrait 5 rubriques :
* investissements, fonds propres et endettement ;
* rétributions et activités sociales et culturelles ;
* rémunération des financeurs ;
* flux financier entre la société et l’entreprise ;
* sous-traitance.

Cette idée est issue de la précédente négociation sur la modernisation du dialogue social. Elle avait reçu l’adhésion de tous les syndicats. Mais le Medef et les signataires en détournent le sens.

Alors que cette base de données devrait permettre de présenter, en la synthétisant, l’importante documentation remise au comité d’entreprise pour faciliter sa compréhension par les élus et mandatés, l’accord en fait une source d’informations exclusives. C’est donc un faux cadeau fait aux IRP.

II) Seuls points positifs : Elle revêt un caractère prospectif en portant sur les 3 années suivant celle au cours de laquelle elle est établie et il est affirmé que les informations ponctuelles demeurent (par exemple introduction de nouvelles technologies ou opération de restructuration). Heureusement, serait-on tenté de dire !

Cette disposition risque donc de remettre en cause, non seulement certaines informations, mais aussi certaines consultations régulières du comité d’entreprise car l’accord se garde bien d’en parler. C’est le cas par exemple des comptes annuels de l’entreprise, car l’annexe de l’accord précise que la base de données les comprend.

III) Autre point dangereux : Un accord collectif de branche ou d’entreprise peut adapter le contenu des informations relevant des différentes rubriques, en fonction de l’organisation et/ou du domaine d’activité de l’entreprise. C’est un premier pas gagné par le patronat contre la sévérité de la jurisprudence sur la rétention de l’information due au comité d’entreprise.
Or, celui-ci souhaite depuis longtemps remplacer les dispositions légales par des accords collectifs moins exigeants.

Ce dispositif doit être opérationnel dans le délai d’un an dans les entreprises de 300 salariés et plus. Il fera l’objet d’adaptations aux entreprises de moins de 300 salariés dans les 12 mois suivant sa mise en œuvre dans les entreprises de 300 salariés et plus.

IV) Le renforcement de l’obligation de discrétion :

L’obligation de discrétion des élus du personnel est renforcée. Il suffira que l’employeur déclare que les informations doivent rester confidentielles pour que les élus soient tenus de respecter cette obligation de discrétion. C’est un recul car aujourd’hui, l’information donnée doit être en plus objectivement confidentielle (ce qui est rarement le cas).

Cette disposition doit être mise en relation avec une proposition de loi créant un « secret-entreprise », sur le modèle du « secret-défense » (issue d’un député de l’ancienne majorité). Cette proposition de loi pourrait être remise en discussion à l’initiative de l’actuel ministre de l’économie, ce qui renforcerait encore la loi du silence imposée aux IRP.

V) Un droit à l’expertise fragilisé :

L’accord laisse croire qu’il institue une nouvelle possibilité d’expertise afin d’analyser les informations livrées par la base de données unique.

Mais cette mission est financée à 80 % par l’entreprise et à 20 % sur le budget de fonctionnement du comité d’entreprise. Et la rédaction de l’annexe laisse supposer que cette nouvelle expertise remplacera l’examen annuel des comptes par un expert.

En outre, cette expertise est enserrée dans des délais préfix sans possibilité de dérogation, donc de prolongation, ce qui entravera de facto des investigations poussées de l’expert. Qui plus est la rémunération de l’expert se fera dans le cadre d’un barème ce qui là encore sera source de limitations.

Quant à la rédaction alambiquée du paragraphe sur le recours aux expertises, il laisse planer un doute. Est-ce l’ensemble des expertises existantes qui seront enfermées dans des délais préfix avec des coûts soumis à des barèmes ?

Enfin, l’accord impose, quand une mesure touche plusieurs établissements, une coordination au niveau des CHSCT par la création d’une instance ad hoc. L’expertise sera alors centralisée au niveau de l’entreprise (et enfermée dans des délais préfix), ce qui ne permettra plus de réaliser une expertise dans chaque établissement concerné. L’idée étant d’accentuer le contrôle sur l’expertise réalisée et d’en restreindre la précision.

VI) Des IRP virtuelles la 1re année :

L’article 17 sur la mise en œuvre du dialogue social dans l’entreprise prévoit que les entreprises se voient accorder un délai d’un an pour la mise en œuvre des obligations complètes liées aux seuils de 11 et 50 salariés une fois les effectifs atteints en application des dispositions du code du travail.

Aujourd’hui, dès lors que le seuil d’effectif a été atteint pendant 12 mois, consécutifs ou non, au cours des trois années précédentes, l’employeur est assujetti à l’obligation de mettre en place l’institution (DP et CE), cela signifie qu’il doit organiser les élections et négocier un protocole d’accord préélectoral. L’institution commence alors à fonctionner une fois le résultat des élections proclamé.

Avec l’ANI, il gagne une année entre le moment où il est assujetti à l’obligation et la mise en place effective de l’institution.

Pour bénéficier de ce bonus consenti par les syndicats signataires, il devra organiser les élections des représentants du personnel concernés dans les trois mois du franchissement du seuil d’effectif.

Ainsi, les DP et les membres du CE seront élus et titulaires de leur mandat, mais ils ne pourront pas l’exercer pendant 9 mois puisque l’institution sera virtuelle ! Ce qui signifie en pratique, que l’exercice effectif de leur mandat sera réduit de 4 ans à 3 ans et trois mois. L’ANI invente donc, et c’est une première, le mandat fantôme !

 L'évitement du juge

L’essentiel des dispositions a pour objectif d’éviter le juge, mais certaines concernent ce sujet plus particulièrement.

I) Article 24 – Forme/fond

Aujourd’hui dans certains cas une irrégularité qu’on appelle « de forme » est sanctionnée, non pas par de simples dommages et intérêts, mais par la nullité ou la requalification de l’acte tout entier.

Exemple : un CDD doit toujours être un contrat écrit avec certaines mentions, en leur absence le CDD est requalifié en CDI. Donc l’irrégularité ici n’est pas le cas de recours au CDD, qui est valable sur le fond, mais l’écrit (le formalisme) qui n’est pas respecté, et pourtant la sanction est la requalification du CDD en CDI (sanction sur le fond).

Autre exemple bien connu : si une lettre de licenciement contient des motifs imprécis, le licenciement est qualifié de « sans cause réelle et sérieuse ». Si l’on revient sur cette sanction de fond, les employeurs peuvent licencier sans invoquer de motif précis ou même sans invoquer de motif du tout. Le salarié n’a alors plus aucune chance de pouvoir contester son licenciement, puisqu’il ne saura même pas pourquoi il est licencié.

Le Medef voulait revenir là-dessus mais il y a eu un blocage des syndicats. Donc c’est renvoyé à une réflexion ultérieure entre les signataires, avec le concours des pouvoirs publics : « Dès lors, ils conviennent d’examiner, avec le concours des pouvoirs publics, les cas dans lesquels les irrégularités de forme risquent de primer sur le fond. Au vue de cette expertise les signataires se retrouveront pour se saisir des éventuels aménagements nécessaires dans le respect des principes généraux du droit et de la Constitution ».

II) Article 25 – Forfaitisation du préjudice subi

Avant l’audience de jugement, les parties se retrouvent devant un bureau de conciliation. La conciliation a pour objectif notamment de mettre le dossier en l’état d’être jugé et le juge doit s’efforcer de concilier les deux parties, dans le respect des règles du droit et des intérêts de chacun. Le juge ne peut pas léser le salarié de ses droits.

Or, l’article 25 permet désormais aux parties de mettre fin au litige en conciliation moyennant une contrepartie selon un barème d’un montant extrêmement faible.

Il s’agit d’une indemnité forfaitaire calculée en fonction de l’ancienneté du salarié.

« Cette indemnité forfaitaire vaut réparation de l’ensemble des préjudices liés à la rupture du contrat de travail, et son montant est fixé à :

  • entre 0 et 2 ans d’ancienneté : 2 mois de salaire
  • entre 2 et 8 ans d’ancienneté : 4 mois de salaire
  • entre 8 et 15 ans d’ancienneté : 8 mois de salaire
  • entre 15 et 25 ans d’ancienneté : 10 mois de salaire
  • au-delà de 25 ans d’ancienneté : 14 mois de salaire »

On introduit finalement la rupture conventionnelle directement devant le juge. Ce sont des sommes dérisoires, complètement détachées du préjudice subi, mais incitatives pour abandonner une procédure qui peut être parfois très longue.

De plus, quid des demandes qui ne portent pas sur la rupture ?

Quid également de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ?

Si l’employeur licencie illégalement son salarié pour faute grave, il ne lui versera pas d’indemnité de licenciement.

Les 2 mois de salaire que percevra en conciliation le salarié qui a entre 0 et 2 ans d’ancienneté seront alors censés couvrir à la fois l’indemnité légale et conventionnelle, et l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : la somme en est d’autant plus dérisoire.

L’acceptation de cette conciliation ne pourra faire l’objet d’aucun recours.

La mise en place de ce barème interroge sur sa légalité au regard des conventions internationales (OIT n°158) qui prévoient que le licenciement injustifié doit faire l’objet d’une « indemnité adéquate », ce qui signifie conforme au préjudice subi et qui doit se faire au cas par cas et non pas forfaitairement.

III) Article 26 - Délais de prescription (c’est-à-dire délai de saisine du juge)

La prescription qui était déjà passée de 30 ans à 5 ans est aujourd’hui portée à 24 mois.

Sauf prescription sur les salaires : 36 mois.

Sauf discrimination dont la prescription reste de 5 ans à compter du jour où le salarié a eu la révélation de la discrimination dont il est victime. Et son préjudice doit toujours être réparé entièrement, même s’il est antérieur à 5 ans.

Exemple : De début 2009 à début 2014 je suis victime de harcèlement moral. A partir de 2014, j’ai 24 mois pour saisir le juge et lui demander réparation pour le harcèlement moral que j’ai subi. Je décide de saisir le juge début 2015, soit 12 mois après la fin des faits de harcèlement. Le juge ne pourra cependant réparer mon préjudice que de début 2013 à début 2014 (on ne peut remonter que 24 mois avant la saisine du juge). De début 2009 à début 2013 les faits sont désormais prescrits.

 Le temps partiel

Article 11 – Le temps partiel

I) Un affichage de sécurisation :

L’accord prévoit que les contrats à temps partiels seront maintenant de 24 heures hebdomadaires au minimum, ce qui semble être une énorme avancée, mais en réalité cette mesure est totalement vidée de sa substance :

  • puisque par accord de branche on peut prévoir des dérogations
  • ou bien, le salarié peut renoncer à ce droit (bien sûr aucune pression patronale ne sera exercée pour cela !). De plus, cette possibilité n’est pas offerte aux salariés actuellement à temps partiel à qui on peut imposer une durée du travail inférieure à 24h.

II) Des flexibilités affirmées :

La modulation du temps de travail : accord de modulation et lissage des heures sont maintenus. Cela signifie que le salarié peut avoir une durée du travail très variable d’une semaine sur l’autre, sachant en plus que le délai de prévenance pour les changements d’horaire peut être court (7 jours selon L.3122-2 du code du travail). Comment un salarié peut-il organiser sa vie dans ces conditions ?!

A cela, s’ajoute la possibilité de faire varier le nombre d’heures prévu dans le contrat de travail : avec des avenants au contrat de travail, l’employeur pourra faire varier le nombre d’heures de travail 8 fois dans l’année (soit disant avec l’accord du salarié évidemment) et cela, en toute sécurité pour l’entreprise (sans requalification du contrat en CDI à temps plein). Les salariés seront à la disposition des employeurs. Au passage, cela permettra aux employeurs de ne pas payer ces heures comme des heures complémentaires (contrairement à la jurisprudence actuelle !), ces heures seront donc payées au même taux que les autres.

III) De plus :

  • des domaines des négociations prévues figurent déjà dans le Code du travail : nombre et durée des périodes d’interruption d’activité au cours de la journée, délai de prévenance préalable à la modification des horaires...
  • Aujourd’hui, les heures complémentaires (c’est-à-dire les heures effectuées au-delà de la durée de travail indiqué dans le contrat) ne sont majorées de 25% que lorsqu’elles sont supérieures à un dixième de la durée contractuelle (exemple : j’ai un contrat de 10 heures : la onzième heure est payée normalement la 12e est majorée de 25%).

L’accord instaure la majoration des heures complémentaires dès la 1re heure à 10 %. Cela va dans le bon sens, mais un accord de branche peut prévoir que cette majoration de 10 % s’appliquera à toutes les heures complémentaires effectuées, y compris celles qui sont d’habitude majorées de 25% !

 Les « contreparties »

I) Complémentaire santé :

  • Il faudra attendre un an avant sa mise en place.
  • Absolument pas universelle : dans les petites entreprises, quand il n’y aura pas d’accord de branche, il n’y aura pas d’obligation de mettre en place la complémentaire, or ce sont ces entreprises qui n’ont pas de complémentaire actuellement. Il s’agit d’une mesure qui ne sert à rien
  • La CMUC est meilleure que le panier de soins proposé dans l’accord
  • L’absence de clause de désignation, c’est la mise en concurrence entre les assureurs dans chaque entreprise au lieu d’avoir un accord de branche plus favorable.
  • Portabilité déjà issue de 2008 (aucun bilan n’a été fait)

II) Assurance chômage : les droits rechargeables :

  • Une mesure à coût constant donc cela se résume à une ventilation différente du budget
    En clair : un peu plus de demandeurs indemnisés (aujourd’hui seul 1 demandeur sur 2 est indemnisé) mais une baisse de l’ensemble des droits actuels pour financer ces droits rechargeables. A noter que si les mesures concernant le CDI et le licenciement économique sont acceptées, l’augmentation du nombre de chômeurs est à prévoir : ce sont les demandeurs d’emploi et non les entreprises qui financeront les droits rechargeables.

III) Le compte individuel de formation :

Sous couvert de créer un compte personnel, la délégation patronale réussit à planter une banderille mortelle dans le DIF (Droit Individuel à Formation).

Le DIF est un droit auquel aucun financement par anticipation n’est attaché. Certaines branches (comme la métallurgie) ont mutualisé une partie des obligations de financement du plan pour assurer le financement de DIF dits prioritaires. Le Fonds Paritaire de Sécurisation des Parcours Professionnels (FPSPP) contribue aussi, dans le cadre de la gestion de fonds qu’il mutualise, à accompagner le financement de la portabilité du DIF pour les salariés ayant perdu leur emploi. Mais il n’existe pas de financement global du DIF.

Le compte personnel inscrit dans l’ANI est censé naître dans les six mois et absorber le DIF en apportant la permanence de la portabilité des heures acquises par le salarié. Mais l’accord dit aussi que le compte personnel en question ne verra le jour qu’une fois trouvées les modalités de cofinancement par l’Etat, les Régions et les fonds mutualisés gérés paritairement. Voilà un coup de bluff énorme !

Combien coûterait le financement de la totalité des heures de DIF versées chaque année dans le compte personnel ? En arrondissant, si l’on table sur 20 millions de salariés dotés de 20h chaque année, cela représente 400 millions d’heures de formation. En valorisant à 10 € chaque heure de formation, le budget global s’élèverait à 4 milliards d’euros pour financer les seuls coûts pédagogiques.

Qui pourrait croire que l’Etat, en pleine stratégie de désengagement financier sous injonction communautaire, envisagerait d’installer dans son budget une partie du financement nécessaire à une utilisation massive du dit compte personnel ? Idem pour les Régions, quand leur budget est à ce point tendu que beaucoup d’entre elles ont été contraintes de baisser le financement de la formation professionnelle.

Enfin, les fonds mutualisés du Congé Individuel de Formation (CIF) ne permettent de satisfaire que la moitié des demandes.

Quand on sait que la totalité des fonds mutualisés gérés paritairement ne s’élève qu’à environ 6,5 milliards, il devient évident que le compte personnel ne trouvera jamais son financement et donc sera mort-né, mais il aura entraîné la disparition de fait du DIF qui, bien que limité, était quand même le début d’un droit individuel dans l’entreprise.

Enfin, le salarié ne peut pas utiliser son compte sans l’accord de l’employeur.

IV) La taxation des CDD :

  • Peu de contrats concernés : coût pour le patronat 110 M€
  • Des exonérations en échange pour les embauches en CDI des salariés de moins de 26 ans : gain pour le patronat 150 M€
    Résultat : 40 millions d’euro de gain pour les employeurs

V) Un administrateur dans les conseils d’administration et conseil de surveillance :

  • Le projet prévoit la présence de deux représentants des salariés quand le nombre d’administrateur est supérieur à douze et un seul dans les autres cas. Il n’y a pas assez de représentants des salariés pour influencer les choix stratégiques
  • Seulement 229 entreprises concernées
  • Délai de 26 mois pour mettre en place une telle représentation dans les entreprises concernées
  • Des modalités définies par l’assemblée générale : actuellement les salariés sont élus directement par les salariés sur les listes présentées par les syndicats. Le projet est donc un recul de ce point de vue.
  • Pas de cumul avec les autres mandats syndicaux ce qui a pour but de tenir ces représentants éloignés de toute vie syndicale.

Article publié le 15 février 2013.


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