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Hôpitaux, la santé se dégrade

Alors que le Gouvernement veut imposer une restructuration totale de l’offre de soins de proximité en créant des communautés hospitalières, les personnels sont en proie à une souffrance au travail qui s’accentue dramatiquement. Enquête dans le département de la Loire (Article publié dans la Nouvelle Vie Ouvrière (NVO) du 23 mars 2012)

Comme un flot ininterrompu elles enchaînent les exemples, passant d’une difficulté à une autre. Infirmières, aides-soignantes ou agents administratif énoncent les règles absurdes, les protocoles délirants ou pire encore les méthodes de calcul d’un budget hospit lier basé sur des moyennes.

Dans le petit local CGT de la maison de retraite de la Loire de Saint-Just Saint Rambert, établissement public de plus de 500 lits, elles s’apprêtent ensemble ce jour-là, le 8 mars pour aller au rassemblement contre la venue du président candidat à l’élection au suprême po voir de la France. C’est la journée de la femme ! Elles ne seront pas déçues et auront droit à un accueil singulier. Gaz lacrymogènes, matraques et Flash Ball. Pourtant les deux agents des renseignements généraux, qui se sont pointés quelques minutes plus tôt, tels des « Dupont et Dupont » avec petits sourires narquois devant la maison de retraite, ont affirmé aux militantes distribuant des tracs, que c’est le candidat qui se déplaçait. Pas le président ! Les forces de l’ordre n’ont pas fait la distinction.

Avant ces incidents elles décrivent le quotidien de l’établissement : « dans un service de quarante résidents, il n’y a que trois agents des services hospitaliers. Résultat elles se retrouvent à deux pour faire manger 24 personnes. Elles ne peuvent pas passer plus de trois minutes par personne » s’indigne Chrystelle Colombin la secrétaire du syndicat CGT.

Dans cet établissement public, premier par sa taille dans le département de la Loire et deuxième dans le pays, le personnel dénonce le manque d’effectifs, certes les conditions de travail, mais surtout les conditions d’admissions des personnes dont on ne sait plus très bien si elles sont patientes, souffrant de pathologie ou pensionnaires parce que trop âgées pour être encore autonomes. Ici arrivent ceux que d’autres ne veulent plus. Hôpitaux, services de santé spécialisés ou familles qui n’arrivent plus à maintenir à domicile des person­nes âgées dont la vie s’éteint un peu plus chaque jour comme une chandelle vacillante.

La souffrance au travail :

D’après les syndicalistes, un tiers des personnes soignées dans ce lieu sont atteintes de troubles psychologi­ques ou de pathologies lourdes : « Nous ne sommes pas formés pour cela. Ce n’est pas un hôpital ici, c’est une maison de retraite » dénonce Chrystelle. La nuit, seules deux infirmières assurent une présence et des soins pour un peu plus de 500 personnes réparties dans plusieurs bâtiments. « Et encore ! Elles sont deux mainte­nant, parce qu’il y a trois ans de cela, il n’y en avait qu’une. C’est par la lutte que le personnel a gagné un poste » ajoute Mireille Carrot, secrétaire départementale de la CGT-Santé-action sociale.

« Il va y avoir des suicides ! ».

Ce que dénonce ici le personnel, c’est en quelque sorte la cascade de maltraitance. L’absence de moyens pèse sur la hiérarchie qui épuise un personnel qui coure, s’échine, fait preuve de bonne volonté pour finir par culpabiliser devant sa propre impuissance à rendre des soins, de l’affection ou plus simplement de l’humanité à des personnes âgées en souf france ou en fin de vie. Ainsi la nouvelle méthode de management des person­nels de santé s’appuie sur du non-dit permanent et la culpabilité. La bonne volonté, la motivation, la vocation ou la simple joie de bien faire son travail se heurtent à une réalité plus sournoise. La souffrance d’un patient prime sur tout le reste. L’abnégation doit être la règle non écrite et la souffrance n’appartient ainsi qu’aux malades. Résultat ? Le turn-over devient aussi une règle et ce sont les emplois précai res, CDD ou intérimaires qui se développent. Sur les 337 « équivalents temps pleins » de la MRL, 30% sont salariés contractuels. On craque, on baisse les bras ailleurs qu’au travail, pour finir par être vraiment malade soi-même. Le personnel hospitalier souffre en silence en se recroquevillant sur lui-même. Partout les militants syndicaux ont cette expression : « c’est de plus en plus difficile. L’individualisme s’accentue » pour finalement lâcher « il va y avoir des suicides ! ».

« La faute à la CGT trop alarmiste ! »

A l’hôpital de Roanne à l’autre bout du département les constatations sont identiques à ceci près qu’il y a 931 lits pour environ 2000 agents hospitaliers dont 900 soignants. L’établissement est quasiment flambant neuf, malgré les travaux en cours qui ont nécessité un investissement colossal. Pour 11 millions empruntés, l’hôpital a dû s’acquitter d’un million d’euros d’intérêts pour la seule année 2011. Cherchez l’erreur ! Vous la trouverez chez Dexia et ses emprunts toxiques que nous révélions dans la NVO du 21 octobre 2011. L’ARS (Agence Régionale de Santé) s’engagerait à prendre en charge le surcoût. Ce qui reviendrait à faire porter sur les finances publiques le choix d’une straté­gie bancaire condamnable. Pour la CGT : « Nous avons souscrit un emprunt à 3%, nous devons payer à 3% et c’est à l’Etat de l’imposer à la banque » estime Didier Marchand, secrétaire du syndicat.

Paradoxe de cet établissement ultra moderne, il faudrait fermer des services pour faire des économies. Ainsi le centre de radiothérapie a été sauvé par la lutte, mais un service de médecine a fermé en 2011 et deux devraient disparaître cette année en plus des 48 postes promis au sacrifice. A force d’interpellation un psycho­logue du travail assure une permanence tous les mardis.

Dans un rapport en cours de rédaction, à la demande du CHSCT, il a noté que 60% des troubles psychoso­ciaux du personnel sont à attribuer au travail, 20% sont répartis entre la vie personnelle et le travail, alors que les derniers 20% ne seraient dus qu’à des situations d’ordres privées. Devant ce constat que redoutaient les représentants du personnel, la direction aurait affirmé que c’est de la faute du syndicat CGT qui est trop alar­miste !

Pourtant, devant des servi ces de 12 heures pour certains personnels soignants, qui préfèrent ainsi cumuler le temps de travail pour ne pas à devoir rester plus longtemps à l’hôpital durant la semaine. Face à des patients en chimiothérapie qui se retrouvent convoqués ensemble à la même heure, parfois à trois ou quatre par chambre, créant ainsi une situation qui génère forcément une perte d’intimité. Devant la multiplication d’heures supplémentaires en cascades, avec pour conséquence un absentéisme obligeant le rappel de personnels en repos ou en congés, alors que cette disposition n’est pas une obligation contractuelle selon le syndicat, mais s’appuie uniquement sur la bonne volonté, la vocation et plus sûrement la culpabilité. Face à ces quelques exemples non exhaustifs, l’alarme n’est elle pas salutaire ?

Les faits sont là. A cause d’une course effrénée à la rentabilité, due à la tarification à l’activité l’hôpital de Roanne, comme d’autres écourtent la durée d’hospitalisation ; « Il est de plus en plus fréquent que des patients sortent de l’hôpital et que le service d’urgence les ramène quelques jours ou quelques semaines plus tard. Il y a la réalité et les non-dit » affirme Didier Marchand. « Personne ne le dira franchement, mais certains patients qui sont en admission et sont trop âgés par exemple, seront pris en charge plus tard, parce qu’il y en a d’autre qui sont plus urgents ! ». Selon le témoignage de salariés, c’est ainsi qu’en février dernier une dame de 90 ans aurait attendu huit heures, sur un brancard avant d’être renvoyée chez elle par le service d’urgence.

Le centre hospitalier de Roanne doit apporter le service public de santé pour une population théorique de 150 000 habitants. « Dans la réalité c’est plus de 200 000 » affirme Didier Marchand. Le territoire de l’établissement s’est élargi aux départements voisins, comme le Rhône, l’Allier et la Saône-et-Loire, où des services et des établissements ont disparu ces dernières années. « L’offre d’un service public de proximité pour la santé des citoyens est en train de disparaître. Il faut réaffirmer que l’hôpital public n’a pas vocation à être rentable. Il doit être efficace ! ». Le contraire de ce qui est proposé aujourd’hui. Le ministère demande désormais aux agences régionales de santé (ARS) de regrouper les établissements en communautés hospita­lières. Sous cette formule qui vise à mutualiser les moyens financiers c’est un système abscons que patients et personnels vont découvrir. « Cela leur permet tra également d’avoir moins de dire teurs contestataires ! » affirme Mireille Carrot.

Dans la Loire, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Saint-Etienne devrait être l’établissement de réfé­rence pour un territoire plus grand que le seul département et le centre d’appel du 15 (urgences) de Roanne est condamné à laisser sa place les week-end et la nuit au profit de Saint-Etienne à plus de 60 kms de là. Les habitants d’Annonay en Ardèche (07), ceux du Puy-en-Velay en Haute-Loire (43), près de Vichy dans l’Allier (03), ou des petites villes de Saône-et-Loire mais aussi Tarare dans le Rhône (69) devront circuler par leurs propres moyens - les services publics de transport n’offrant pas suffisamment de possibilité de déplace­ment - pour se rendre à Saint-Etienne, Roanne, Montbrison ou encore Feurs.

Ces deux derniers établissements sont d’ailleurs dans un projet de fusion, imposé depuis l’ARS basée à Lyon, sans qu’aucune consultation n’ait été entreprise. « Le seul critère, c’est le seuil d’activité ! » affirme Michèle Massacrier, secrétaire du syndicat CGT au centre hospitalier de Feurs. « On ne parle plus, dans ce genre de décision, de qualité de soins, alors que les pathologies cardiaques chez les jeunes (40 ans) sont en augmen­tation, comme augmentent les cancers et les soins palliatifs. Pour le personnel ce sont les risques psychoso­ciaux qui explosent maintenant. » insiste Michèle, qui confirme ainsi tous les témoignages de ses collègues dans d’autres établissements. Ce que craignent les salariés du centre hospitalier de Feurs, c’est une obliga­tion de mobilité non seulement vers Montbrison, mais également dans d’autres services ; « Nous ne sommes pas titulaires dans un endroit ou un service donné, mais pour un poste. Pour nous, cette fusion c’est l’inconnu. Nous ne savons pas comment nous travaillerons ces prochains mois » ajoute Hervé Perret également militant CGT.

« Malgré des diagnostics régionaux qui démontrent des carences et des inégalités criantes voire alarmantes pour la population, peu ou pas d’objectifs sont affichés (par le Gouvernement, ndlr) pour reprendre en main une démarche de développement de la santé pour tous » affirme la fédération, tout en rappelant un souhait devenu rare : « Chacun paye selon ses moyens et reçoit selon ses besoins ».

Source : la CGT Comité Régional Rhône Alpes
Site internet : http://www.cgtra.org/

Article publié le 2 mai 2012.


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