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Crise financière ? 8 questions-réponses....

 1 - D'O ?? VIENT LA CRISE ?

On le sait, c’est du marché relativement limité des subprimes que tout est parti. Nés dans les années 1990 aux ??tats-Unis, ces crédits hypothécaires ont été consentis à des ménages aux revenus très modestes et peu solvables en calculant leur capacité d’emprunt sur la valeur du bien acheté. Accordés à des taux variables et particulièrement élevés, les crédits subprimes étaient extrêmement rémunérateurs pour les organismes prêteurs… tant que les prix de l’immobilier progressaient. Mais dès la fin 2006, le marché américain de l’immobilier montre des signes d’essoufflement, les prix reculent de 4 % et l’effet pervers de la mécanique s’enclenche : les ménages ne peuvent plus faire face à leurs engagements, le nombre de défauts de paiement qui, sur les subprimes, tournait autour de 10 % s’élève rapidement à 15 % du total des crédits accordés et les saisies immobilières se multiplient, augmentant de 60 % entre janvier et juillet 2007. Conséquence, les établissements de crédit spécialisés dans le subprime s’effondrent et les dérivés de crédit qu’ils avaient créés pour diminuer leurs risques perdent brutalement de leur valeur.

 2 - COMMENT LA CRISE DES SUBPRIMES A-T-ELLE PU S' ??TENDRE ?? L'ENSEMBLE DU SYST ??ME FINANCIER ?

C’est justement par le canal des dérivés de crédit que la crise s’est diffusée. Pour faire face à l’augmentation du risque, qu’elles n’avaient pas les reins assez solides pour supporter à elles seules, les banques spécialisées dans le subprime ont en effet titrisé leurs créances. Cette technique née dans les années 1970 consiste à regrouper les milliers de prêts accordés et à les revendre par petits morceaux sur le marché sous forme d’obligations achetées par des « hedge funds » ou des investisseurs institutionnels.

La contagion a été générale, parce qu’à la différence de ce qui se passait dans les crises financières antérieures, tous les acteurs panachent désormais leurs placements sectoriels et le font dans le monde entier dans une interconnexion inédite. Or, plus les couplages entre marchés augmentent et plus les risques de propagation d’un segment de marché à un autre, d’un lieu de la planète à un autre, d’un acteur à un autre sont grands. Tous les types de crédits qui ont été titrisés sont désormais touchés. Soit un volume de plusieurs dizaines de milliers de milliards de dollars, sans rapport avec la dimension réduite du marché des subprimes (1 300 milliards de dollars) d’où est partie la crise. Et la crise affecte non seulement les banques et les hedge funds, mais aussi les assureurs, les fonds de pension, ou encore les fonds communs de placement qui, par le biais de la titrisation, avaient tous investi dans les marchés du crédit. Conséquence, une défiance généralisée qui à son tour alimente la crise. Plus personne ne sachant qu’elle est l’exposition des banques aux valeurs titrisées dont on a bien du mal par ailleurs à fixer la valeur les banques rechignent à se prêter entre elles, de peur de ne pouvoir récupérer leurs fonds. C’est le système tout entier qui se grippe.

 3 – Y A-T-IL UN RISQUE DE D ??FAILLANCE DE L'ENSEMBLE DU SYST ??ME BANCAIRE ET FINANCIER ?

La crise a une dimension systémique certaine. Quand la quatrième banque d’affaires américaine peut faire faillite du jour au lendemain, quand le premier assureur d’outre-Atlantique n’échappe au même sort que grâce à sa nationalisation de fait, aucune banque ou institution financière cotée en Bourse ne peut s’estimer à l’abri. C’est d’ailleurs le risque d’une faillite générale d’un système où toutes les banques sont liées entre elles par des crédits croisés qui a conduit dix grandes banques à créer un fonds commun de 70 milliards de dollars pour assurer la liquidité du marché inter-bancaire.

C’est cette même crainte qui est à l’origine, d’abord de la décision prise par la Réserve fédérale américaine d’élargir le type d’actifs qu’elle peut prendre en pension contre prêt, puis de la décision de mise en place d’un fonds de défaisance de quelque 700 milliards de dollars pour débarrasser les banques de leurs actifs « pourris ». Reste que les banques sont diversement exposées. Les plus fragiles sont celles qui hier étaient les plus actives et les plus puissantes sur les marchés financiers. C’est le cas des grandes banques d’affaires de Wall Street qui exerçaient une domination sans partage dans ce domaine d’activité et qui, à l’exception de Goldman Sachs, sont passées dans le giron de banques généralistes ou, comme Lehman Brothers, ont fait faillite…

 4 – LES BANQUES FRAN ??AISES SONT-ELLES MENAC ??ES ?

Les banques françaises qui peuvent compter sur un confortable matelas de dépôts sont moins menacées que les banques américaines. Avec une activité moins spécialisée et des ratios de solvabilité élevés, elles ont, en théorie, une meilleure résistance aux chocs financiers. Elles ne sont pas pour autant déconnectées du système financier international.

La crise des subprimes aurait ainsi coûté 4 à 6 milliards d’euros au Crédit agricole, la Société générale a provisionné 2 milliards d’euros pour faire face à ses pertes, BNP-Paribas aurait elle aussi perdu 1 milliard d’euros.

Alors que la crise est loin d’être soldée, on est déjà bien au-delà des estimations avancées par les dirigeants des grandes banques au début de la crise. Rappelons que Daniel Bouton estimait, dans une interview à la revue Challenges, à 200 millions au plus l’impact des subprimes pour la Société générale dont il était le PDG. Quant à Baudoin Prot, le PDG de BNP-Paribas, il n’avait pas craint d’affirmer début août 2007 qu’aucun des fonds de sa banque n’avait de problème de liquidités… avant de décider, le 9 août, de geler trois très classiques Sicav monétaires, massivement et imprudemment investies dans des titres adossés à des crédits subprimes américains.

Globalement et en comptant l’exposition des banques françaises à la faillite de Lehman Brothers, c’est à une vingtaine de milliards d’euros qu’on peut chiffrer le coût de la crise en France. Reste que le système bancaire français connaît les mêmes dérives que ses homologues étrangers, comme en témoignent l’affaire Kerviel et le scandale de la Société générale. Si timorées quand il s’agit de soutenir des projets de développement, la création d’entreprise ou le financement de solutions industrielles pour des entreprises en difficulté, les banques françaises se montrent beaucoup moins regardantes sur des opérations financières pourtant beaucoup plus risquées. Ainsi, les opérations de titrisation ont ces dernières années généré de 3 % à 4 % de leurs profits, tandis qu’en 2006 le financement d’opérations de LBO aurait représenté 3 % des profits de BNP-Paribas…

 5 – Quelles sont les conséquences de la crise financière sur l'économie réelle ?

Toutes les prévisions des économistes convergent. La crise financière se traduira d’abord par une raréfaction et un renchérissement du crédit, ce qui pèsera sur l’investissement, celui des ménages comme celui des entreprises, et donc par un ralentissement de la croissance.

Si la croissance mondiale devrait s’élever encore à plus de 3 % cette année, c’est grâce au dynamisme dont font preuve les pays émergents, notamment la Chine et l’Inde qui devraient voir leur PIB progresser respectivement de 9,4 % et 7,9 % en 2008.

En revanche, les ??tats-Unis n’échapperont pas à une récession qui, pour les prévisionnistes, toucherait aussi plusieurs pays européens comme la Grande-Bretagne, l’Italie, l’Espagne, voire l’Allemagne. Avec, à la clé, une remontée du chômage qui sévit déjà aux ??tats-Unis et en Grande-Bretagne depuis plusieurs mois. Car les dégâts ont déjà commencé. Le secteur financier américain, qui s’était déjà délesté de 140 000 salariés en 2007, devrait connaître une nouvelle saignée de plus de 100 000 emplois cette année. Quant à l’immobilier qui contribuait à un tiers de la création d’emplois ces six dernières années, son marasme persistant en fait aujourd’hui un contributeur négatif.

 6 – Les mesures prises par les ??tats-Unis mettent-elles fin à la crise ?

Sans doute pas, parce que ce plan, qui ne consiste qu’à socialiser les pertes, ne résout pas la question de la recapitalisation des banques qui ne sera pas chose si simple, vu l’état et la défiance des marchés. D’autant qu’il laisse entier le problème de l’endettement des ménages. Des économistes américains font ainsi remarquer que regrouper les actifs toxiques dans une structure de cantonnement ne sert à rien si on ne réduit pas dans le même temps la dette des particuliers qui, ces derniers mois, ont vendu, contraints et forcés, leurs parts de Sicav pour faire face à leurs engagements. Leur permettre d’effectivement rembourser leurs dettes serait le seul moyen d’éviter les saisies massives et donc de s’assurer contre de nouvelles défaillances en chaîne. Certains chiffrant entre 200 et 1 000 le nombre d’établissements qui pourraient encore faire faillite.

 7 – Tout le monde parle de nouvelles régulations, quelles sont les mesures à prendre ?

Le temps du libéralisme à tous crins semble aujourd’hui révolu et la crise n’a fait que confirmer ce que tout le monde savait déjà : il n’y a pas d’autorégulation des marchés. Ceux qui hier encore clamaient avec le président Reagan que « l’ ??tat n’est pas la solution, c’est le problème » n’ont eu d’autres solutions qu’appeler l’ ??tat à la rescousse pour tâcher de sauver ce qui pouvait encore l’être. Tous les économistes sont unanimes pour dire qu’on ne pourra pas enrayer une crise d’une telle ampleur en se contentant d’injecter de l’argent dans le circuit financier mondial pour permettre aux banques de se financer. D’où le retour en force de l’idée de régulation. Le débat se focalise beaucoup sur la suppression des zones de non-régulation dans la sphère financière – les établissements de crédit hypothécaire américains ou les hedge funds qui agissent comme des banques d’affaires non réglementées – ou encore l’extension de contraintes prudentielles aux banques d’investissement. Il porte aussi sur la mise en place de règles plus strictes pour les agences de notation qui évaluent les risques de crédit des entreprises, l’interdiction d’un certain nombre d’opérations spéculatives ou la révision du mode de rémunération des professionnels de la finance. Toutes choses sans doute importantes, mais qui pour l’instant font l’impasse sur la question clé de l’usage et de la finalité des crédits distribués par les institutions bancaires.

C’est pourtant un enjeu majeur si l’on veut les réorienter vers les activités productives. Autrement dit, quel rôle entend-on faire jouer, quelle place assigne-t-on au système financier, au service de quelle politique économique ? Sans réponse à ces questions, il est fort à craindre que l’apurement des dettes ne serve qu’à recommencer comme avant. Après la socialisation des pertes viendra en effet, comme à chaque lendemain de crise, la question de la relance, de l’assouplissement de la politique monétaire et… de la baisse des taux d’intérêt. Le risque sera grand alors de relancer la machine infernale en fournissant à nouveau aux banques des liquidités à bas prix…

 8 – Les solutions à la crise doivent-elles se limiter au système financier ?

Cette crise, si elle est d’abord bancaire et financière, est intimement liée aux évolutions de la sphère productive. Le monde de la finance n’est en effet pas indépendant du monde réel et le capitalisme financier n’est qu’un élément du capitalisme tout court. La financiarisation de l’économie ne réside pas seulement dans l’hypertrophie de la sphère financière et la place disproportionnée qu’elle a prise dans l’ensemble des activités. Elle est aussi dans les transformations concrètes des conditions mêmes de la production.

Les acteurs financiers ont ainsi pris la main dans la gestion des entreprises, les actifs financiers ont pris le pas sur les investissements en machines et en capacités de production, le cours de Bourse est devenu l’alpha et l’oméga de toute stratégie, les exigences des actionnaires d’une rentabilité à deux chiffres, la seule contrainte à satisfaire.

La contrepartie, c’est la pression sur les salaires, la précarisation de l’emploi, la dégradation des conditions de travail, la dévalorisation du travail dans le processus productif.

C’est cette dévalorisation qui fait la crise de rentabilité du capital qui, faute d’une mise en valeur suffisante, cherche alors une rentabilité plus élevée dans la sphère financière.

S’il faut une nouvelle régulation du secteur bancaire et financier, c’est une évidence, on ne résoudra pas la crise sans revaloriser le travail et sa place dans la vie économique et sociale.

Sans augmenter les salaires, sans développer l’emploi, sans investir dans la formation des hommes, sans combattre les inégalités, sans définir une stratégie industrielle qui ne peut se résumer aux visites d’un président sur un chantier naval ou dans une aciérie. C’est là un vaste champ d’intervention pour le syndicalisme.


Un dossier publié dans la Nouvelle Vie Ouvrière le 26 septembre 2008 signé Jean François Jousselin, directeur des rédactions.

Article publié le 16 octobre 2008.


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