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L’abandon de nos aînés

C’est un drame qui en dit long sur nos difficultés à gérer les personnes âgées : une patiente de 90 ans de l’hôpital parisien Sainte Périne est morte dans le froid, le mois dernier, après avoir échapper à la vigilance des personnels. Les syndicats ont bien entendu dénoncé le manque d’effectifs. Est-ce vrai ?

Pascal Champvert, président de l’ADPA, Association des Directeurs au service des Personnes Agées, qui représente l’ensemble des établissements de retraite prenant en charge des personnes âgées et de service à domicile, a écrit un livre intitulé « prendre soin de nos aînés, c’est aussi prendre soin de nous ». Quand on aborde avec lui le « scandale des maisons de retraite » il réagit avec véhémence : « Nous, à l’Adpa, on demande depuis des années la fermeture de 5 % des établissements, qui incontestablement doivent cesser leur activité. » Mais le problème est ailleurs.

Selon lui, ce type de drame était malheureusement prévisible. Notre société, dit-il, ne s’occupe pas assez des personnes âgées quand elles sont fragiles. 20 % des plus de 80 ans ayant des difficultés physiques ou psychiques ne sont pas suffisamment accompagnées à domicile ou en établissement. La Cour des Comptes disait en 2005 que leurs besoins n’étaient couverts qu’à moitié : ça veut dire qu’on passe auprès d’elles la moitié du temps qu’on devrait passer !

La question de l’enfermement des personnes âgées (afin qu’elles ne s’échappent pas) se pose justement dès lors qu’on ne met pas suffisamment de personnel pour s’en occuper correctement. Des personnes qui n’ont commis aucun délit, aucun crime, qui ne sont coupables que d’avoir des troubles cognitifs, qui ont fait la France telle que nous la connaissons aujourd’hui, on les enferme ! Les dysfonctionnements avérés dans les établissements sont bel et bien dus au manque de professionnels, ce dont certains jugements rendus par des tribunaux ont attesté à maintes reprises. Et il s’agit bien d’un manque quantitatif, et non qualitatif. On est au mieux aujourd’hui à 5,5 professionnels pour 10 personnes âgées dépendantes, alors qu’il en faudrait 8 pour 10 ! Et l’épuisement des professionnels s’intensifient. « Nous sommes très en retard par rapport à nos voisins européens, et très en retard par rapport à ce nous faisons en France pour les personnes handicapées de moins de 60 ans. Les maisons de retraite françaises emploient deux fois moins de personnel que celles des autres pays européens, constate-t-il. Sur la journée de la Pentecôte, destinée à financer la solidarité avec les personnes âgées, seules vingt minutes y sont effectivement affectées. »

C’est la raison pour laquelle il faut mettre en place cette prestation autonomie, promise par Sarkozy puis par Hollande.

Comment se fait-il qu’il y ait aussi peu de personnels alors que les tarifs pratiquées dans les maisons de retraites et dans les EHPAD (Etablissements d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes) sont très élevés pour ne pas dire exorbitants (en moyenne 2000 à 2500 euros par mois) ? C’est là le deuxième problème de la prise en charge des personnes âgées : on leur fait payer ainsi qu’à leurs familles le coût de fonctionnement de ces établissements. Quand vous allez dans un hôpital ou une clinique privée, vous payez entre 0 et 1 % du coût de fonctionnement. Mais quand vous êtes en maison de retraite, vous payez 60 % du coût de fonctionnement ! Donc ce n’est pas que les établissements sont chers à proprement parlé, c’est qu’ils sont peu et mal remboursés. D’où la coexistence difficile à comprendre pour les français de ces deux phénomènes : pas assez de professionnels, et pourtant des sommes astronomiques demandées aux familles pour qu’on s’occupe de leurs aînés.

Des témoignages édifiants de patients de ces établissement nous parviennent de plus en plus, concernant l’insuffisance de la prise en charge dont ils sont victimes, et le manque de soins dont ils souffrent. C’est le cas aussi en Isère, où de nombreux établissements, y compris flambants neufs, laissent à désirer. Il est fréquent d’y voir des personnes âgées ou atteintes de la maladie d’alzheimer, inoccupées, pas lavées, mal soignées, assises dos à la télé, sans personne pour veiller sur eux, parce qu’une seule aide soignante (en général une intérimaire qui n’est là que pour la journée) pour une vingtaine de résidents, voire, le week-end, pour 40 résidents.

Le Conseil Général de l’Isère reconnaît d’ailleurs, dans l’Isère magazine de janvier 2013, qu’il manquerait environ 860 aides-soignants dans les Ehpad isérois. Et dans le même temps, dans son budget 2013 qui vient d’être voté, annonce un gros fléchissement de la part du budget consacré à l’autonomie : cherchez l’erreur ! Au prétexte d’une pause temporaire liée au « trou de la Seconde Guerre mondiale ». Alors même qu’il faudrait maintenir une accélération budgétaire sur le problème de l’hébergement, de la prise en charge des personnes âgées, de la formation et du recrutement de professionnels, notamment afin de rattraper les retards accumulés ces 10 dernières années. Il semble donc qu’au Conseil Général de l’Isère, ceux qui décident et votent les budgets ne font pas (encore) partie de ces 30 % de français qui sont aujourd’hui confrontés au problème de la dépendance (pour eux-mêmes ou un de leurs proches) au sein de leurs familles.

Article publié le 17 février 2013.


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