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Le salariat est en voie de « smicardisation »

ENTRETIEN avec Jean-Christophe Le Duigou, secrétaire confédéral de la CGT.

Etes-vous favorable à l’idée d’un « Grenelle » des revenus ?

J’y suis favorable. Si la négociation salariale se cantonne à l’entreprise, le risque est grand que, pour des raisons de compétitivité, les augmentations de salaire soient nulles ou quasi nulles. Or l’amélioration du pouvoir d’achat est une cause d’intérêt général car la consommation soutient la croissance.

Les pouvoirs publics doivent intervenir et inciter à la relance des négociations salariales de branche. De simples exhortations ne suffisent pas. La France a mis fin, il y a une vingtaine d’années, à l’indexation des salaires sur les prix au nom de la désinflation compétitive. Depuis, il n’y a plus de système de régulation, à l’exception du smic. Et environ huit grilles de classification professionnelle sur dix commencent en dessous du salaire minimum.

Quel diagnostic portez-vous sur la situation salariale générale ?

A quelques fluctuations de court terme près, privé et public sont à peu près dans la même situation du point de vue de l’évolution des salaires et du pouvoir d’achat individuel. L’Etat ne montre pas l’exemple dans le public, où il s’abrite derrière le glissement-vieillesse-technicité (GVT) pour fixer des augmentations inférieures à l’évolution des prix. Il est coupable sur les bas salaires : fin 2004, le minimum de la fonction publique était inférieur au smic.

Et dans le privé ?

Le pouvoir d’achat du salaire moyen par tête a perdu de 5 % à 6 % en trois ans. Et ce, en raison de la modération salariale qui a accompagné les 35 heures, de l’augmentation des prélèvements obligatoires (hausse de la CSG, etc.) et de l’envolée de la fiscalité locale. Au total, 4 à 5 milliards d’euros supplémentaires seront prélevés en 2005 sur le pouvoir d’achat des ménages. Et, pratiquement chaque année, plus d’un salarié sur trois connaît soit une stagnation, soit une baisse de son salaire nominal.

Le gouvernement insiste, lui, sur une hausse de plus de 11 % du smic...

Cette augmentation ne concerne qu’une petite minorité de « smicards » ! La plupart auront connu des augmentations très inférieures, en fonction de l’année au cours de laquelle ils ont basculé dans les 35 heures. Par ailleurs, le salariat français est en voie de « smicardisation ». 38 % des salariés gagnent moins de 1,33 smic par mois. Dans certaines branches, 90 % à 95 % des salariés sont dans ce cas parce que le patronat et les syndicats n’ont rediscuté ni des grilles de classification ni des niveaux de qualification qui vont avec. Quand le gouvernement parle des classes moyennes, c’est à eux qu’il devrait penser.

Qu’objectez-vous aux économistes insistant sur la disparité de situation des grandes entreprises et des PME ?

Il y a, c’est vrai, un net décalage entre les sociétés du CAC 40, qui annoncent des bénéfices records, et le tissu des petites et moyennes entreprises. Mais il est tout aussi juste de dire que le partage de la valeur ajoutée entre profits et salaires est nettement plus avantageux pour les entreprises en France qu’il ne l’est aux Etats-Unis.

Les entreprises du CAC 40, qui font les deux tiers de leur chiffre d’affaires à l’exportation et pressent leurs sous-traitants comme des citrons, ne se préoccupent pas assez du marché intérieur et de la solidité du tissu économique français.

Propos recueillis par Claire Guélaud

Article publié le 10 mars 2005.


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